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Dettes fiscales impayables : sauvées par la « surséance indéfinie » au recouvrement

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Un article que je publiais dans la Libre Eco du 18 octobre 2025

Paul a des dettes fiscales qui s’accumulent. Compte tenu de la modernisation des outils informatiques,  l’administration a largement augmenté sa capacité à recouvrer les dettes fiscales et non fiscales. Paul a donc toutes les chances de recevoir prochainement une sommation de payer et de subir une saisie sur ses biens. En attendant, le receveur des contributions affectera au paiement de se dette fiscale toutes les sommes que Paul pourrait percevoir en remboursement d’un autre impôt par l’effet d’une compensation.

 

Paul a donc déjà intérêt à contacter le receveur pour obtenir un délai de paiement. Celui-ci peut être accordé pour autant que le délai n’excède pas un an et que les droits du Trésor ne soient pas en péril, c’est-à-dire menacés si l’administration a des raisons sérieuses de penser que Paul ne règlera jamais sa dette. Il peut également demande une remise des intérêts ou des accroissements de sa dette d’impôt.

 

Une autre mesure de faveur

 

Cependant, le fruit des efforts de Paul pour s’en sortir étant inévitablement saisi par son créancier fiscal. Paul a intérêt à demander une autre mesure de faveur au fisc : la surséance indéfinie au recouvrement de ses dettes.

Cette mesure concerne toutes les dettes, fiscales ou non, pour autant qu’une dette soit recouvrée par l’administration fiscale, à l’exception toutefois des créances alimentaires.

 

L’idée poursuivie par le législateur est d’inciter le contribuable à tenter de revenir à meilleure fortune, à reprendre un nouveau départ en l’encourageant à s’extraire d’une situation financière devenue périlleuse.

 

Qu’est-ce que la surséance indéfinie ?

 

Par cette mesure, dans certaines circonstances, le conseiller général ou son délégué sursoit définitivement, en tout ou en partie, moyennant le paiement d’une somme unique et aux conditions qu’il détermine, au recouvrement des sommes dues à titre de créances fiscales et non fiscales par le redevable ou le codébiteur, personne physique.

 

Par cette mesure, le fisc renonce au recouvrement de la dette, même en cas de retour à meilleure fortune. La dette fiscale ne disparaît pas pour autant puisque l’avantage de la surséance peut disparaître, par exemple si les conditions imposées à Paul ne sont pas respectées, s’il a fourni des informations inexactes en vue d’obtenir le bénéfice de la surséance, s’il a fautivement augmenté son passif ou diminué son actif ou encore organisé son insolvabilité.

 

Quelles conditions ?

 

Paul doit être une personne physique et se trouver dans l’impossibilité durable de pouvoir payer les créances fiscales et non fiscales exigibles ou encore à échoir. Il ne peut avoir bénéficié de cette mesure dans les cinq ans qui précèdent la demande et ne doit pas avoir manifestement organisé son insolvabilité.

 

Ce n’est pas tout : la créance de Paul ne peut résulter d’une fraude fiscale ni faire l’objet d’un recours administratif ou d’une action en justice.

 

En outre, Paul ne peut pas être bénéficiaire d’un règlement collectif de dettes ou se trouver dans un état de faillite.

 

Le conseiller général imposera enfin comme condition le paiement immédiat ou échelonné d’une somme destinée à être imputée sur les sommes dues dont il fixe le montant.

 

Comment introduire cette demande ? 

 

Paul peut remplir un document de demande qu’il complétera notamment pour justifier de sa situation financière. Bien entendu, il veillera à documenter cette situation au moyen de documents probants, en ce compris des informations bancaires via la production d’extraits de comptes récents et d’un avis de la centrale des crédits de la banque nationale belge.

 

La demande est transmise au conseiller général qui statuera dans un délai de six mois à dater de la réception de la demande. Un recours est organisé devant une commission en cas de refus d’octroi.

 

Cette procédure est exigeante notamment sur le plan de la preuve des difficultés financières mais offre un réel souffle aux contribuables engorgés par des créances fiscales ou non qui peuvent s’accumuler rapidement même si elles ne sont pas, en soi, contestables.

 

En 2024, le fisc a procédé massivement à des saisies notamment sur les salaires ou sur des revenus locatifs, en s’adressant directement auprès d’un employeur ou d’un locataire, compte tenu des pouvoirs qui lui sont octroyés par la loi. Cette même loi offre aux contribuables des possibilités de négociations qui ne sont pas toujours connues alors qu’elles donnent une réelle bulle d’air aux ménages endettés qui seraient bien avisés d’en profiter.

 

Anne-Thérèse Desfosses – atd@wbgj.be

Associée chez WBGJ

Professeure à la CBCEC

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