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Les droits d’auteur bénéficient d’une taxation avantageuse parce que les revenus issus de tels droits sont taxés au taux favorable de 15%.

Il peut donc être tentant de considérer qu’une partie de ses revenus proviennent de la cession ou de la concession de droits d’auteur ou de droits voisins. L’hypothèse concerne par exemple un dirigeant d’entreprise qui crée des logiciels informatiques ou un architecte qui crée entre autres prestations des plans originaux.

L’entreprise acquiert ces logiciels ou ces plans et soit les exploite elle-même soit les revend à un client de la société.

Le concepteur de logiciel ou l’architecte pourra prétendre que la partie de sa rémunération relative à la création du logiciel ou des plans concerne la cession d’un droit d’auteur et peut donc bénéficier d’une taxation spécifique. Aux conditions habituelles de déduction de frais professionnels, la société pourra quant à elle déduire l’acquisition de ces droits de son bénéfice taxable.

 

  1. Première conditions : Une création originale destinée à être communiquée

Pour que la magie opère, il est nécessaire que le droit cédé par le dirigeant d’entreprise ou le travail concerné soit une œuvre protégée, c’est-à-dire une création originale, littéraire, scientifique ou artistique, dont la forme puisse permettre une communication à un public et qui puisse également être considérée comme étant originale ou marquée de la personnalité de son créateur. Sont ainsi par exemple de telles créations des discours, des présentations, des plans, pièces de théâtre, bases de données, logiciels ou programmes informatiques.

L’administration est très tatillonne sur la définition de création. La jurisprudence un peu moins, de sorte qu’on regrette que l’administration se braque tant, réduisant à néant la phase conciliatoire préalable à une procédure judiciaire. Le tribunal de première instance de Liège a rendu un jugement, le 28 octobre 2021, et estime que le simple fait de créer un site web au moyen d’outils existants ne permet pas de considérer qu’il y aurait automatiquement une œuvre originale. Il est nécessaire qu’il y ait une originalité dans le choix ou la disposition des données.

Les droits voisins sont versés aux artistes qui interprètent une œuvre protégée par un droit d’auteur.

 

  1. Deuxième condition : Une cession ou l’octroi d’une licence par le titulaire originaire, ses héritiers ou légataires ou autre licence légale

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi-programme du 16 décembre 2022, les revenus des revenus issus de droits d’auteurs pourront bénéficier de la taxation avantageuse si l’une des conditions suivantes est remplie :

–          l’auteur détient une attestation du travail des arts : ce document atteste que l’auteur est un travailleur des arts qui travaille de manière professionnelle dans le domaine des arts, qu’il s’agisse d’une activité artistique, artistique-technique ou artistique de soutien

–          à défaut d’une telle attestation, l’auteur a transféré ou donné en licence les droits qui concernent l’œuvre protégée par le droit d’auteur pour que cette œuvre soit communiquée au public ;

–          soit enfin, si l’auteur perçoit ses revenus par l’intermédiaire d’un organisme de gestion collective.

 

  1. troisième condition : Une exploitation de ces droits

L’œuvre doit être exploitée, sauf hypothèse de force majeure.

Cela signifie que l’œuvre doit être communiquée au public, donnée en représentation, transmise, peu importe le support sur lequel elle est intégrée.

La communication est effectuée par l’auteur lui-même ou par le titulaire du droit : celui qui acquiert par cession ou licence un tel droit d’auteur doit en faire usage et s’il ne le fait pas, il devra démontrer que c’est suite à un évènement indépendant de sa volonté et que par conséquent, au départ, l’intention était bien d’assurer une exploitation de l’œuvre.

 

  1. Quatrième condition : quelques limites financières

4.1.      Lorsque l’auteur d’une œuvre cède son droit à un tiers et s’engage en outre à exécuter une prestation en lien avec cette cession, le rapport entre les droits d’auteurs perçus et la rémunération totale de l’auteur en lien avec la création ne peut dépasser 50%. Ce rapport sera réduit à 40% en 2024 et à 30% en 2025.

4.2.      Le montant total des droits d’auteurs est plafonné à la somme de 37.500 € indexé, soit en 2022 de 64.070 €. Au-delà, point de taxation avantageuse.

4.3.      La moyenne des revenus de droits d’auteurs perçus au cours des 4 années précédentes ne peut dépasser le plafond maximal indexé qui est actuellement de 64.070 €.

4.4.      Enfin, lorsque la période imposable ne correspond pas à une année complète, le montant du plafond est proratisé.

 

  1. Déduction forfaitaire de frais

Le bénéficiaire de ces droits peut déduire 50% de la première tranche de 10.000 € indexée, soit 17.090 € pour 2022 et de 25% sur la tranche de 10.000 à 20.000 € indexée soit de 17.090 à 34.170 € pour 2022.

Au-delà, il n’est plus possible de déduire de frais.

 

  1. Points d’attention

Quand il y a cession de droits, l’entreprise et son dirigeant ou son travailleur seront avisés tout d’abord de prévoir le prix de cette cession dans une convention. Le montant qui y sera convenu devra être adéquat et l’administration ne manquera pas de veiller au grain si les parties à la convention sont dans des relations étroites, ce qui est le cas quand le cédant des droits est le dirigeant d’entreprise. Dans cette hypothèse, le dirigeant et sa société veilleront à fixer une rémunération qui serait celle qui serait convenue entre personnes non liées ou tierces.

Les parties à cette convention prévoiront également de rémunérer de manière distincte le dirigeant ou le travailleur pour les autres prestations qu’il effectue au bénéfice de l’entreprise : l’architecte ne réalise pas uniquement des plans dans le cadre de son travail de même que le dirigeant a d’autres fonctions que la création de logiciels. Pour ces autres prestations, une rémunération appropriée sera fixée, taxable au titre de revenus professionnels.

Bien entendu, même s’il sera tentant d’augmenter la partie de la rémunération relative à la cession des droits d’auteurs au détriment de la rémunération versée pour les autres prestations, les parties seront avisées de demeurer raisonnable parce que l’administration veille au grain.

En effet, auparavant seul le SPF Economie avait la possibilité de vérifier les conditions d’application de la cession de droits d’auteur. L’administration fiscale s’était pourtant approprié ces compétences avec le blanc-seing de la jurisprudence. Mais désormais, une circulaire du 25 février 2022 lui elle a les coudées plus franches : c’est officiel, l’administration peut venir effectuer les vérifications qu’elle souhaite et ne s’en prive pas puisque c’est devenu une source de contrôle importante en 2022.

Enfin, depuis l’exercice d’imposition 2022, le débiteur de droits d’auteur est tenu d’établir une fiche fiscale.

Encore de l’administratif !

Anne-Thérèse Desfosses (atd@wbgj.be)

le 30 janvier 2023

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