L’acquisition scindée usufruit/nue-propriété : on croyait que c’était acquis !
Article paru dans La Libre Eco du 7 mai 2022
Les droits d’auteur bénéficient d’une taxation avantageuse parce que les revenus issus de tels droits sont taxés au taux favorable de 15%.
Il peut donc être tentant de considérer qu’une partie de ses revenus proviennent de la cession ou de la concession de droits d’auteur ou de droits voisins. L’hypothèse concerne par exemple un dirigeant d’entreprise qui crée des logiciels informatiques ou un architecte qui crée entre autres prestations des plans originaux.
L’entreprise acquiert ces logiciels ou ces plans et soit les exploite elle-même soit les revend à un client de la société.
Le concepteur de logiciel ou l’architecte pourra prétendre que la partie de sa rémunération relative à la cession du logiciel ou des plans concerne la cession d’un droit d’auteur et peut donc bénéficier d’une taxation spécifique. Aux conditions habituelles de déduction de frais professionnels, la société pourra quant à elle déduire l’acquisition de ces droits de son bénéfice taxable. Dans certains cas, le SDA impose que le coût dans le chef de la société qui paie des droits d’auteur soit amorti.
Une œuvre protégée ?
Pour que la magie opère, il est nécessaire que le droit cédé par le dirigeant d’entreprise ou le travail concerné soit une œuvre protégée, c’est-à-dire une création littéraire, scientifique ou artistique, dont la forme puisse permettre une communication à un public et qui puisse également être considérée comme étant originale ou marquée de la personnalité de son créateur. Peuvent ainsi par exemple être considérés comme de telles créations des discours, des présentations, des plans, pièces de théâtre, bases de données, logiciels ou programmes informatiques.
L’administration est très tatillonne sur la définition de création. La jurisprudence un peu moins, de sorte qu’on regrette que l’administration se braque tant, réduisant à néant la phase conciliatoire préalable à une procédure judiciaire tribunal de première instance de Liège a rendu un jugement, le 28 octobre 2021, et estime que le simple fait de créer un site web au moyen d’outils existants ne permet pas de considérer qu’il y aurait automatiquement une œuvre originale. Il est nécessaire qu’il y ait une originalité dans le choix ou la disposition des données.
Les droits voisins sont versés aux artistes qui interprètent une œuvre protégée par un droit d’auteur.
Une cession de ces droits
L’auteur de cette œuvre va céder les droits qu’il possède sur sa création et bénéficier, en contrepartie de l’exercice de son art, d’une rétribution. Il est donc nécessaire qu’il cède ses droits sur son œuvre pour que la contrepartie puisse être taxée au titre de revenu mobilier et non comme un revenu professionnel à tout le moins pour la première tranche de 62.550 €, c’est-à-dire qu’en-dessous de ce montant, l’administration ne pourrait pas les requalifier en revenus professionnels. Attention, pour autant qu’il s’agisse bien de revenus issus de la cession de droits d’auteur.
Points d’attention
L’entreprise et son dirigeant ou son travailleur seront avisés tout d’abord de prévoir le prix de cette cession dans une convention. Le montant qui y sera convenu devra être adéquat et l’administration ne manquera pas de veiller au grain si les parties à la convention sont dans des relations étroites, ce qui est le cas quand le cédant des droits est le dirigeant d’entreprise. Dans cette hypothèse, le dirigeant et sa société veilleront à fixer une rémunération qui serait celle qui serait convenue entre personnes non liées ou tierces.
Les parties à cette convention prévoiront également de rémunérer de manière distincte le dirigeant ou le travailleur pour les autres prestations qu’il effectue au bénéfice de l’entreprise : l’architecte ne réalise pas uniquement des plans dans le cadre de son travail de même que le dirigeant a d’autres fonctions que la création de logiciels. Pour ces autres prestations, une rémunération appropriée sera fixée, taxable au titre de revenus professionnels.
Bien entendu, même s’il sera tentant d’augmenter la partie de la rémunération relative à la cession des droits d’auteurs au détriment de la rémunération versée pour les autres prestations, les parties seront avisées de demeurer raisonnable parce que l’administration veille au grain.
En effet, auparavant seul le SPF Economie avait la possibilité de vérifier les conditions d’application de la cession de droits d’auteur. L’administration fiscale s’était pourtant approprié ces compétences avec le blanc-seing de la jurisprudence. Mais désormais, une circulaire du 25 février 2022 lui a donné les coudées plus franches : c’est officiel, l’administration peut venir effectuer les vérifications qu’elle souhaite et ne s’en prive pas puisque c’est devenu une source de contrôle importante en 2022.
Enfin, depuis l’exercice d’imposition 2022, le débiteur de droits d’auteur est tenu d’établir une fiche fiscale.
Encore de l’administratif !