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La digitalisation de l’administration fiscale est en marche, ou comment la loi DIGIlex déshumanise encore un peu plus les contacts avec le contribuable

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un article paru dans la Libre Eco du 25 février 2023

 

Pour pouvoir bénéficier d’un délai supplémentaire pour déposer sa déclaration fiscale, M. Dupont a déjà pris l’habitude de la rentrer par voie électronique via Tax-on-web. Il recevait ensuite son avertissement-extrait de rôle ou un avis de rectification par voie postale, sous format papier.

Mais l’administration a entamé sa marche vers la digitalisation des rapports qu’elle entretien avec les contribuables et cela se manifeste via la loi dite Digilex du 26 janvier 2021 qui entrera en vigueur le 1er janvier 2025. A partir de cette date, si M. Dupont a activé son e-box,  toutes les relations qu’il aura avec l’administration se feront via voie électronique.

  1. Activer son e-box

L’e-box est une plateforme numérique sécurisée qui permet l’échange de toute information entre l’administration et le contribuable. Tant que M. Dupont n’a pas activé son e-box, il continuera à recevoir tous ses documents administratifs par la poste. Mais dès qu’il l’aura activée, tous ses courriers lui parviendront uniquement par e-mail. Les sociétés, personnes morales et mandataires tels les avocats ou comptables n’auront quant à eux pas le choix d’activer et d’utiliser ou pas l’e-box, sauf s’ils ne parviennent pas à s’y identifier.

  1. Qu’est-ce que ça change ?

Chaque message qui doit être adressé au contribuable passera par la plateforme électronique, à l’exception d’un message de type procès-verbal rédigé sur place lors d’un contrôle fiscal. Même les courriers traditionnellement envoyés par recommandé seront postés sur la plateforme Myminfin et vaudront comme un « envoi recommandé ».

Tous les documents seront désormais transmis par cette voie : convocation d’un témoin dans le cadre d’une procédure de contrôle, demande de renseignements, envoi d’un avis de rectification, notification d’imposition d’office, décision du conseiller général. Le contribuable devra aussi transmettre ses griefs et réponses par cette voie, par exemple pour introduire une réclamation fiscale.

Cela induit une modification du point de départ pour le calcul des délais. Si M. Dupont souhaite introduire une réclamation fiscale, il peut le faire dans un délai d’un an à dater du 3ème jour qui suit l’envoi de l’avertissement-extrait de rôle. Quand ce document lui sera transmis par la plateforme, exit les 3 jours : le délai sera calculé à partir de la réception du message l’informant que le document est à sa disposition.

Par ailleurs, M Dupont est peut-être marié. Son épouse peut avoir activé son e-box tandis que M Dupont ne l’aura pas fait : l’une recevra les courriers via la plateforme avec un nouveau délai de réaction tandis que l’autre recevra un bon vieux courrier, avec un délai de réaction augmenté de 3 jours.

M. Dupont pourra aussi revenir sur sa décision et choisir à nouveau la formule papier : il lui suffira de désactiver son e-box et même en pleine procédure, l’administration devra s’adapter.

3.    Y a-t-il encore quelqu’un derrière cette plateforme ?

Parfois je m’interroge. Téléphoner à l’administration devient un vrai parcours du combattant avec un numéro général et une voix suave qui égraine un chapelet de renvois qui, si tout va bien, vous fait atterrir au service demandé. Les investigations se font souvent à distance, ce qui réduit les entretiens en présentiel pourtant si importants. Par ailleurs, si toutes les informations sont transmises par voie électronique, l’administration se constitue à peu de frais une magnifique base de données… dont un usage abusif n’est pas exclu…

Discuter avec un fonctionnaire permettait souvent d’anticiper un contrôle, de vérifier un point de droit avant de déposer sa déclaration… ce n’était pas inintéressant. Pourra-t-on, de plus, encore faire la file devant le bureau local des contributions, pour remplir cette déclaration ?

Autre chose, le comptable, l’avocat sont tenus d’employer la plateforme : exit l’entretien sympathique avec le fonctionnaire qui vous envoie le document réclamé. Les documents sont sur la plateforme, allez y donc… Mais comment y accéder sans mandat spécifique ?

Que dire des contribuables âgés ou sans accès à un ordinateur, ou des mails frauduleux qui prendront l’apparence d’un mail provenant du e-box pour vous détrousser… Il y a encore beaucoup à faire pour que ces situations spécifiques légitimes soient prises en compte et optimisent la digitalisation de l’administration.

La loi entre en vigueur le 1er janvier 2025. Son objectif : davantage de renseignements obtenus de manière automatisée, réduction des investigations et des visites chez le contribuable, moins d’accueil dans les locaux administratifs. Et pourtant, même s’il n’est pas agréable de se faire contrôler, c’est une occasion unique de discuter avec un être humain, parfois compréhensif,  souvent didactique. Une déclaration fiscale, c’est tellement plus que quelques chiffres alignés dans des colonnes…

 

Anne-Thérèse Desfosses

Professeur à la CBCEC

atd@wbgj.be

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