De la voiture de société à la voiture virtuelle

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La loi fiscale met en place des outils compliqués pour une mobilité durable

 

Les voitures de société n’ont plus la cote. Le législateur a donc estimé devoir intervenir en tentant d’en maintenir les avantages. Résultat : trois mécanismes coexistent aujourd’hui en matière de mobilité automobile dans le cadre de l’activité professionnelle des ‘travailleurs’ : la voiture de société traditionnelle, d’une part, ‘l’allocation de mobilité’ et le ‘budget mobilité’, d’autre part. L’objectif de ces deux dernières mesures est d’encourager le passage de la voiture de société à une voiture en quelque sorte virtuelle. Mais ceci ne va pas sans complications : rien que pour le ‘budget mobilité’, un site internet à l’adresse ‘lebudgetmobilite.be’ a été ouvert avec une FAQ comptant pas moins de 40 pages !

Sur le principe, les choses sont assez claires. L’allocation de mobilité comme le budget mobilité visent les travailleurs qui, depuis suffisamment longtemps, disposent d’une voiture de société ou qui y sont éligibles en vertu de la ‘car policy’ de l’entreprise, et qui y renoncent. Relevons d’emblée qu’aucun de ces régimes ne s’applique aux ‘dirigeants d’entreprise’ (administrateurs, gérants, …). Ils ne visent que les personnes qui travaillent ‘sous l’autorité d’une autre personne’. Echappent seules à cette exclusion les personnes qui sont à la fois ‘travailleurs’ (avec voiture de société ou y ayant droit) et dirigeants d’entreprise dans la même société.

 

L’allocation de mobilité est destinée à permettre aux travailleurs d’échanger leur voiture de société contre un montant (indexé annuellement) équivalent à l’avantage en nature lié à cette voiture, soit 20 ou 24 p.c. (selon que l’employeur prenait ou non en charge le carburant) de six septièmes de la valeur catalogue de la voiture. Le régime fiscal de ce montant est identique à celui de l’avantage fiscal lié à l’usage privé de la voiture. Tout comme la voiture de société, ce montant est soumis à une cotisation ONSS de solidarité. De même, l’allocation de mobilité est fiscalement déductible pour l’employeur dans la même mesure que les frais de la voiture restituée étaient déductibles (mais on sait que les pourcentages de déduction seront rabotés à partir de 2020 en fonction des émissions de CO2).

En proposant l’allocation de mobilité, l’objectif du gouvernement n’était pas d’une ambition démesurée. Il s’agissait d’encourager – ou plutôt de ne pas décourager – la transformation de la voiture de société en une somme d’argent. Mais sans obligation quelconque. Rien n’interdit de conserver la voiture dans le régime actuel. Les employeurs ne sont pas obligés de proposer l’échange à leurs travailleurs et ceux-ci ne peuvent pas être obligés de restituer leur voiture de société. On vise bien entendu les salariés qui utilisent une voiture de société pour leur usage privé et pour les trajets domicile-travail.

Le budget mobilité, par contre, est plus ambitieux puisqu’il vise à offrir au personnel une alternative plus large à la voiture de société traditionnelle. Ici aussi, pas d’obligation quelconque pour l’employeur ni de droit pour le travailleur. Mais alors que dans l’allocation de mobilité, le travailleur perçoit un montant qu’il peut utiliser librement, le budget mobilité est basé sur trois options (‘piliers’) parmi lesquelles l’employé peut choisir celle(s) dont il souhaite faire usage.

Le premier pilier consiste encore en une voiture de société, mais qui doit être une voiture respectueuse de l’environnement (une voiture électrique ou une voiture dont les émissions de CO2 sont relativement faibles). Cette voiture est soumise au traitement fiscal et parafiscal ordinaire d’une voiture de société. Le deuxième pilier couvre les moyens de transport durables, au sens très large : transports en commun, vélo, voiture partagée, etc., et même les frais d’un logement dans un rayon de 5 km du lieu habituel de travail. Le budget consacré à ce deuxième pilier est totalement exonéré d’impôt pour le travailleur tout en étant déductible par l’employeur. Il n’y a pas non plus de cotisations sociales ni à charge du travailleur ni à charge de l’employeur. C’est l’usage fiscalement et socialement le plus doux. Enfin, le troisième pilier ouvre, pour l’employé, le droit au paiement du solde du budget qui n’a pas été dépensé dans les deux autres piliers. Ce troisième pilier est soumis à une cotisation sociale spéciale de 38,07 %.

Le montant du budget mobilité est égal au coût annuel brut total pour l’employeur du financement et de l’utilisation d’une voiture de société :  les jargonneux parlent du ‘total cost of ownership’  ou TCO. Il s’agit, en gros, du prix mensuel de leasing ou de location de la voiture (ou son amortissement à 20 % si l’employeur est propriétaire de la voiture), mais aussi de tous les frais de carburant, des assurances, de la cotisation de solidarité CO2, de la TVA non déductible, de l’impôt des sociétés sur les frais auto non déductibles, etc., moins l’intervention éventuelle du travailleur pour son usage privé. De quelle voiture parle-t-on ? De celle à laquelle la ‘car policy’ de l’entreprise donne droit au travailleur. Le budget reste fixe d’année en année, sauf changement de fonction, promotion ou déclassement, et, dans ces cas, passage à un budget inférieur ou supérieur.

Inutile de préciser que l’octroi d’un budget mobilité, comme d’ailleurs celui d’une allocation mobilité, doit faire l’objet d’une convention écrite (ou d’un addendum au contrat de travail) ou d’une convention collective. Pour le reste, la réglementation qui accompagne ces mécanismes est une compilation de prescriptions diverses et variées que chaque partie aura intérêt à étudier avec soin avant de faire le saut.

 

André Bailleux

Avocat associé Wantiez, Bailleux, Causin et Janssen

André Bailleux

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