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La réforme de la taxe sur les ASBL : tout ça pour ça !

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Article paru dans la Libre Eco du 3 février 2024

Principe

Depuis la loi de 1921 accordant la personnalité juridique aux ASBL, puis aux AISBL et fondations privées, ces entités peuvent détenir un patrimoine de manière illimitée dans le temps. Elles évitent donc de payer des impôts sur la transmission des biens.

A titre de contre-mesure, la taxe annuelle dite « compensatoire de droits de successions » fut mise sur pied à l’époque et calculée sur l’ensemble des biens matériels et immatériels dont ces personnes morales sont propriétaire.

Dans ces colonnes, j’avais écrit, le 20 mai 2023, un article sur le projet de réforme. Celui-ci a été entériné par la loi du 28 décembre 2023 portant des dispositions fiscales diverses.

Cette loi fixe une taxation de ce patrimoine calculée comme suit :

  • Aucune taxation pour le patrimoine inférieur à 50.000 € ;
  • de 50.000 € à 250.000 € : 0,15% ;
  • de 250.000 à 500.000 € : 0,30%
  • 0,45% au-delà.

Et exceptions

Les ASBL qui ont un patrimoine notamment immobilier important devront donc mettre la main à la poche. Mais lors des travaux parlementaires, les débats ont été vifs pour savoir qui allait échapper à l’augmentation de ladite taxe. Certains secteurs bien organisés se sont fait entendre de sorte que s’est ouverte une foire aux exonérations.

D’autres acteurs du secteur associatif qui étaient trop occupés à besogner au bénéfice de leur objet social désintéressé ne se sont pas fait entendre et ne l’ont pas réclamée. Ils ont par conséquent été oubliés et n’en bénéficieront pas.

Sont donc exonérés de la taxe les immeubles détenus par le pouvoir organisateur de l’enseignement affectés exclusivement à l’enseignement. Est concerné par l’exonération l’immeuble qu’il met à disposition d’une troupe de scouts de manière régulière, mais n’en bénéficie pas si la mise à disposition est « structurelle », ce qui laisse une marge d’interprétation peu propice à la sécurité juridique.

Par ailleurs, un régime astucieux par lequel on ne prend en compte qu’un pourcentage très réduit des avoirs d’un redevable permet de neutraliser les effets de l’augmentation de la taxe de sorte que certaines associations ne constateront aucune différence avec l’ancien régime et continueront à bénéficier d’un taux maximum de 0.17%.

C’est le cas des maisons médicales, associations de santé intégrées et centre de santé de quartier agréés par l’autorité régionale ou communautaire compétente ainsi que les entreprises de travail adapté qui mettent des personnes porteuses de handicap au travail. C’est heureux mais l’association qui accueille des personnes handicapées pour les loger ne bénéficie pas de l’exonération sans qu’on sache vraiment pourquoi. Ces associations ont en effet besoin d’immeubles adaptés pour l’accueil de sorte que leur patrimoine est vite important et sera plus lourdement taxé.

Les refuges pour animaux ont également trouvé grâce aux yeux de nos parlementaires, de même que les centres d’archives privées mais nul mot pour les associations qui hébergent des sans-abris, leur offrent un couvert, une douche ou la lessive de leurs vêtements dans des locaux spécifiques. Elles devront passer à la caisse.

Résultat des courses

On ne voit guère pour quelles raisons exonérer certaines ASBL alors que d’autres, parfois non subventionnées ou de manière plus limitée, ne le sont pas. Et c’est là que le texte devient bancal et fragile : il crée des inégalités entre des contribuables placés dans des circonstances objectives similaires mais qui sont traités de manière différente, sans qu’on en aperçoive les justifications. L’égalité devant l’impôt est pourtant un principe de droit primordial et quand cette égalité est rompue, elle ouvre la possibilité aux contribuables lésés de contester la taxe, ce que ne manqueront sans doute pas de faire certaines associations écartées du bénéfice de l’exonération.

Cela entrainera un coût pour l’Etat Belge tandis que le gain fiscal escompté de l’augmentation de la taxe est très faible, quelques dizaines de millions d’euros mis à charge des épaules les moins larges et les plus désintéressées. Le législateur serait pourtant avisé de se souvenir qu’un impôt ancien est un bon impôt et qu’il vaut mieux éviter de le toucher, il éviterait ainsi des procédures en cascade et une possible inapplication du texte.

 

Anne-Thérèse Desfosses – Avocate et Médiatrice agréée

atd@wbgj.be

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