Les modes alternatifs de résolution des conflits au diapason de la fiscalité Une CRA-F voit le jour devant les juridictions fiscales bruxelloises et c’est une bonne chose
Article paru dans La Libre Eco du 21 octobre 2023
Lorsqu’un conflit surgit, le justiciable peut se tourner vers une forme juridictionnel de résolution de son litige mais aussi lui préférer un mode de règlement alternatif, comme la médiation ou la conciliation.
La médiation est un processus structuré dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent par elles-mêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur. Les parties vont ainsi tenter de dégager un accord avec l’aide d’un médiateur neutre et impartial. Généralement, leur adhésion à l’accord éventuellement dégagé est plus élevée que lorsque la solution leur est imposée par une autorité judiciaire.
Il serait donc dommage de se priver de cette voie pour résoudre ses litiges quand on ajoute aux nombreux avantages du processus sa rapidité : en deux, voire trois mois, l’affaire peut être pliée.
Si un juge est déjà saisi du litige, il est probable qu’il conseillera aux parties de se tourner vers une médiation, mettant ainsi la procédure judiciaire entre parenthèses.
Il peut aussi proposer une séance de conciliation devant une chambre créée spécialement à cet effet : la CRA ou Chambre de Règlement à l’Amiable. De telles CRA ont été créées auprès de diverses juridictions et permettent aux parties de tenter de se concilier devant un juge qui n’est pas celui qui connaitra de leur litige si la conciliation échoue. Devant ces chambres, on ne plaide pas, on s’écoute mutuellement et on cherche une solution négociée.
L’intérêt du recours à une médiation ou une conciliation est que les parties vont pouvoir se départir quelque peu des règles de droit quand il n’est pas impératif ou d’ordre public pour faire prévaloir la recherche d’une solution juste et équitable.
Mais la loi fiscale est d’ordre public
Il n’y a donc pas de médiation possible en droit fiscal.
Mais si la règle de droit fiscal ne donne guère lieu à tergiversations, il n’en est pas de même pour les faits auxquels la règle doit s’appliquer. Or, ce sont souvent les faits qui conduisent à un litige : tenir compte du peu de gravité d’une infraction pour accorder une remise d’amende, justifier du caractère professionnel de telle ou telle dépense d’une société ou d’un indépendant.
La conciliation est donc possible. Elle est d’ailleurs organisée par la procédure fiscale elle-même puisque c’est le but de la phase administrative préalable. Aucun tiers neutre, impartial et indépendant n’est cependant présent et l’appréciation plus ou moins arbitraire du Conseiller Général de l’administration prédomine.
Le contribuable peut encore en référer au conciliateur fiscal notamment en cas de conflit avec le receveur des contributions ou le conseiller général. Le dossier sera soumis à un fonctionnaire qui adopte de façon générale une approche plus pragmatique et souple du dossier.
Et au niveau judiciaire ?
Depuis le 1er septembre 2023, une chambre de règlement amiable des litiges fiscaux (CRA-F) a été créée devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles.
Le magistrat qui officie dans cette chambre en qualité de conciliateur peut, en sa qualité de tiers, essayer de trouver une voie de résolution amiable pour les questions de pur fait.
Il arrive aussi que des contribuables arrivent devant le tribunal avec un dossier pour lequel ils n’ont objectivement aucune chance d’obtenir gain de cause, par exemple parce qu’ils n’ont tout simplement pas introduit le recours administratif préalable obligatoire dans le délai.
Dans une telle hypothèse, il sera inutile de tergiverser et le conciliateur pourra éclairer rapidement les contribuables lors d’une audience où il prendra le temps de leur expliquer les raisons de l’inutilité de s’engager dans une procédure longue et vaine.
Comment cela se passe ?
Les parties peuvent envoyer une demande conjointe au greffe. Le magistrat fixera rapidement une audience devant la CRA-f tandis qu’en parallèle, il fixera également une audience de plaidoirie classique.
La procédure se tient en toute confidentialité. Le magistrat qui reçoit le contribuable et l’administration au sein de cette chambre n’est pas celui qui est saisi du fond du litige de sorte que ce dernier ne sera pas influencé par l’échec éventuel de la conciliation ou des propos tenus devant la CRA-F.
Devant l’ampleur de l’arriéré judiciaire, les délais démesurément longs de fixation et l’intérêt évident des modes alternatifs de conflits, l’ouverture de cette chambre de conciliation doit être applaudie.
Anne-Thérèse Desfosses – Avocate et Médiatrice agréée
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