Les taux d’intérêt au plancher ? Pas pour le fisc. L’exemple du compte-courant de Mr G

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Depuis 2009, Monsieur G détenait un compte courant auprès de sa SPRL. En 2010, ce compte courant était débiteur, Mr G ayant emprunté à sa société. La convention de compte-courant fixait à 4,5 % le taux d’intérêt sur le découvert, taux qui était calculé et payable chaque année. L’Administration refusa ce taux au motif qu’il était inférieur au taux fixé par la réglementation. En effet, l’arrêté royal d’exécution du code avait fixé à 9 % le taux à prendre en considération pour les prêts de ce type et pour cet exercice. Avec le taux de 4,5 %, Mr G recevait donc un ‘avantage de toute nature’ de la part de sa société. L’administration taxa dès lors Mr G sur la différence, ce qui représentait ici un impôt de 5.843,20 EUR.

Mr G ne s’en laissa pas conter et n’hésita pas à contester le taux fixé par l’arrêté royal. Et, ô surprise, la Cour d’appel d’Anvers lui donne raison (arrêt du 28 mai 2019). L’argument principal de Mr G fut de dire que l’évaluation forfaitaire à 9 % de l’AR suppose qu’un avantage ait été octroyé. Or, en l’occurrence, le taux de 4,5 % est le taux du marché, ce qui correspond à la ‘valeur réelle’ de l’avantage exigée par la loi. Par conséquent, faute d’avantage, l’évaluation forfaitaire à 9 % de l’AR n’a pas lieu d’être appliquée.

Il faut dire que Mr G (qui est avocat) avait de bonnes lectures car il s’est appuyé sur l’avis donné par le Conseil d’Etat sur un AR du 2 novembre 2017 (qui traitait des avantages liés à l’usage de smartphones et autre matériel électronique). Le Conseil d’Etat y indique qu’eu égard au principe de légalité en matière d’impôts (pas d’impôt sans une loi), le Roi ne peut, lorsqu’il fixe les règles d’évaluation forfaitaire des avantages de toute nature, s’écarter du principe inscrit dans la loi, à savoir qu’ils doivent toujours rester aussi proches que possible de la ‘valeur réelle’ qu’ils ont pour le bénéficiaire.

Mr G dut bien entendu justifier que le taux de 4,5 % était bien le taux du marché, ce qu’il fit notamment sur base de l’étude d’une firme spécialisée en évaluations et prix de transfert ainsi que de certains tarifs bancaires.

On peut espérer que cet arrêt amènera le SPF Finances à plus de raison et de transparence dans les évaluations forfaitaires qu’il arrête annuellement pour les prêts sans intérêts ou à intérêts réduits. Il est vrai que le législateur ne l’encourage pas toujours en ce sens. Ainsi, la loi du 25 décembre 2017 a assoupli le tarif des intérêts dus en cas de retard de paiement à l’impôt sur les revenus mais ces intérêts peuvent toujours varier annuellement entre 4 et 10 %. Et dans le même temps, le taux des intérêts moratoires dus par l’Etat quand il doit rembourser des impôts indus a été fixé à celui des intérêts de retard (donc entre 4 et 10 %) mais réduit de 2 points ! La loi introduit donc deux poids et deux mesures dont on peine à trouver la justification. Pourquoi donc l’Etat peut-il réclamer au contribuable un tarif qui est aujourd’hui le double (4 %) de celui (2 %) qu’il lui accorde lorsqu’il est lui en retard de paiement ? Ce n’est pas tout : pour protéger les intérêts de l’Etat, la loi impose dorénavant au contribuable qui veut obtenir le paiement d’intérêts moratoires, de mettre l’Etat en demeure par sommation ou par un acte équivalent. Le contribuable, lui, se voit appliquer des intérêts de retard de manière automatique sans mise en demeure. Quant à la TVA payée avec retard, elle reste assortie aujourd’hui encore d’un intérêt de 0,8 % par mois, soit 9,6 % l’an. Les droits de succession payés avec retard sont, eux, augmentés ‘de plein droit’, donc automatiquement, d’un intérêt de 7 % l’an. Inutile de dire qu’en cas de litige dans ces matières, mieux vaut généralement payer d’abord et réclamer ensuite !

Bref, non content de bénéficier aujourd’hui de taux d’intérêt négatifs pour se financer, l’Etat continue à réclamer à ses contribuables des taux d’intérêts excessifs, en tout cas peu compatibles avec les taux du marché.

André Bailleux

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