Crise sanitaire + crise budgétaire = fièvre fiscale
Crise sanitaire + crise budgétaire = fièvre fiscale Que nous réserve l’avenir ? Les débats sont ouverts Une ‘crise sanitaire’ est une crise « relative à la santé publique et à l’hygiène » (dictionnaire Micro Robert). Aujourd’hui, sous le vocable de ‘crise sanitaire’ se dissimule en réalité, on le sait, une crise économique de grande envergure qui a été provoquée moins par la ‘crise sanitaire’ au sens propre que par les réactions de nos autorités à cette crise. Réactions qui, à notre avis, ont relevé et relèvent toujours d’une certaine schizophrénie (« inadaptation au réel ») ambiante. L’économie reprendra certes rapidement si les autorités n’imposent pas de nouvelles mesures de confinement au motif que l’immunité artificielle (vaccins) ou naturelle n’endigue pas les nouveaux mutants. Espérons. Par contre, pour le budget de l’Etat, le mal est fait. On ne s’étonne donc pas de voir nos gouvernants en quête d’une formule magique pour combler cet abîme. Certes, de ce point de vue, on se félicitera de l’accord politique conclu au niveau européen pour contraindre les multinationales dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’euros annuellement, à communiquer leurs bénéfices, leur nombre d’employés et le montant de leurs impôts dans chacun des pays de l’UE où elles opèrent, ainsi que dans les juridictions figurant sur la liste noire des paradis fiscaux de l’UE. Encore faudra-t-il que ces données puissent servir de base à une taxation effective. La Belgique devrait obtenir sa part du gâteau. Mais cela ne suffira évidemment pas. Pour se faire une idée des perspectives auxquelles le contribuable belge sera confronté, il n’est sans doute pas inutile de lire l’‘avis’ long et passablement indigeste que le Conseil supérieur des Finances a publié en mai 2020 sur les hypothèses de réforme de l’impôt des personnes physiques dans la perspective d’une diminution de la charge fiscale (et parafiscale) sur le travail. Objectif qui suppose inévitablement (?) que des compensations soient trouvées en puisant dans la poche des contribuables qui disposent de revenus ‘hors travail’ ou qui disposent d’un patrimoine. Bien que ce rapport ait été rédigé avant la crise liée au coronavirus, ses constatations n’en sont que plus pertinentes. A la question de savoir si un impôt sur les revenus du capital est souhaitable pour compenser une moindre taxation des revenus du travail, l’avis répond essentiellement que ‘la taxation des revenus du capital se justifie si les personnes dotées d’un patrimoine plus important ont tendance à travailler moins’. Dans une optique de redistribution, l’avis estime qu’une taxation du capital ‘conduit à une redistribution au départ des personnes plus aptes à se procurer des revenus vers celles qui le sont moins’. Le rapport se pose toutefois la question de savoir s’il existe des marges disponibles dans le cadre des impôts sur le capital. ‘Pas vraiment’, peut-on dire pour résumer la réponse. ‘Les recettes fiscales provenant du capital sont relativement élevées en Belgique’ (p. 64). La cause ? Essentiellement, les droits de succession et d’enregistrement qui sont les plus élevés parmi les pays membres de l’OCDE (c’est nous qui soulignons). Par contre, écrit le rapport, les recettes fiscales sur les revenus du patrimoine des particuliers sont relativement faibles en comparaison avec d’autres pays de l’Union européenne. Le rapport pointe surtout le précompte mobilier quoiqu’il ait été porté à 30 % en 2017. Toutefois, lorsque le rapport se demande s’il y a des marges disponibles dans le cadre des revenus du patrimoine des particuliers, la réponse est nuancée : ‘la pression fiscale effective marginale sur le rendement des dépôts bancaires, des obligations d’entreprise et des dividendes est relativement forte en Belgique. Il n’y a donc guère de marge pour accroître les taux actuels sur les revenus du patrimoine’. Manifestement le rapport n’évoque ici implicitement que les avoirs mobiliers. Il ajoute d’ailleurs sans surprise que ‘les prélèvements sur les plus-values sont toutefois quasiment inexistants pour les particuliers, alors qu’ils sont d’application – selon des modalités très différentes – dans plusieurs pays européens’. Le rapport ne fait pas ici allusion à la taxe sur les comptes-titres dans sa version ancienne, ni a fortiori dans sa version nouvelle qui date de 2021. Quant aux prélèvements sur les avoirs immobiliers, le rapport explique qu’ils trouvent leur source principale dans le précompte immobilier, d’une part, dans les droits de succession et les droits d’enregistrement, d’autre part (p. 67). ‘Les marges sont donc restreintes’, dit le Rapport, non sans rappeler que le revenu cadastral n’a plus été relevé depuis 1975 et fait seulement l’objet d’une indexation. ‘Une actualisation de celui-ci augmenterait par conséquent la contribution du précompte immobilier au taux d’imposition marginal sur l’habitation propre. Les recettes supplémentaires ainsi générées pourraient contribuer à financer une baisse de la pression fiscale sur le travail’. Terminons ce bref tour d’horizon en soulignant que le rapport plaide indirectement pour que le recours à la ‘sociétisation’, càd à l’usage des sociétés par les indépendants pour des raisons uniquement fiscales, soit davantage découragé. Cela permettrait d’accroître les recettes à l’impôt des personnes physiques au détriment de l’impôt des sociétés moins élevé. On se gardera bien de commenter ici ces réflexions. Il ne s’agit évidemment que d’un outil de travail pour les décideurs politiques. L’actualité récente montre que ceux-ci sont dans les startings blocs dans la course à la réforme fiscale. Pensons notamment aux déclarations de la Cour des comptes relayées par la ministre des Pensions remettant en cause le régime fiscal ‘trop coûteux’ des capitaux d’assurances de groupe. André Bailleux Anne-Thérèse Desfosses